L’école inclusive, un beau projet.… qui craque sans volonté politique et moyens 

Cette rentrée 2024 se caractérise à nouveau par une situation alarmante au sein de nos établissements, dont les conséquences sont alarmantes aussi bien sur le droit à la scolarisation des élèves handicapé·es que sur les conditions de travail des AESH et de tous les personnels..
 
Le droit des élèves handicapé·es bafoué
 
On constate sur le terrain un manque critique de moyens humains, qui remet en cause la qualité des accompagnements notifiés par les MDPH. En effet on ne compte plus les AESH qui ont à suivre des élèves trop nombreux dans des classes différentes et déjà surchargées, voire qui partagent leur temps de travail sur plusieurs établissements. De plus en plus d'AESH voient par ailleurs leurs emplois du temps et élèves accompagné·es changer constamment.
 
L'accompagnement se retrouve ainsi très souvent dégradé par cette organisation pathogène du travail, qui amène parfois à ce que les heures d'accompagnement notifiées ne soient pas respectées. Cette pénurie organisée a non seulement un impact sur les élèves handicapé·es et les AESH, mais également sur les enseignant·es qui doivent prendre en charge souvent seul·es une diversité de public avec peu de formation ni accompagnement.Au fur et à mesure des années, cette situation inacceptable devient la norme, et ce malgré les alertes syndicales (via les rassemblements, grèves, communiqué dans les instances etc.). Nous ne pouvons accepter cette dégradation organisée de l'accompagnement des élèves en situation de handicap et des conditions de travail des AESH qui, rappelons le, sont très majoritairement des femmes (à 92%) avec des temps partiels imposés et des salaires très insuffisants. 
Sans un vrai un statut, un vrai salaire, une formation solide et continue, le métier d'AESH restera peu attractif, et l'accompagnement dû restera dégradé.
 
Des réformes qui aggravent la situation 
 
La mise en œuvre de la loi sur la prise en charge par l’État de l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps méridien amplifie les difficultés administratives dans les DSDEN. Les premiers retours semblent indiquer que les moyens en accompagnement n'ont pas été augmentés à la hauteur des besoins. Cela se traduit par une diminution de l'accompagnement sur le temps scolaire pour assurer l'accompagnement sur la pause méridienne.
 
Deux conséquences directes sont à craindre : une mutualisation qui devient la norme; une baisse de rémunération pour les AESH. En effet, les collectivités territoriales, jusqu'alors employeur des AESH sur le temps méridien, offrent des conditions de rémunération plus favorables que l’Éducation nationale.
 
Enfin, cette rentrée est celle de l'expérimentation, dans 4 départements, des pôles d’appui à la scolarité (PAS) qui doivent remplacer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL). Ces PAS risquent d'avoir pour effet un élargissement de la zone de travail des AESH ainsi qu'une diminution de l'aide humaine apportée aux élèves en situation de handicap. Le ministère reprend de plus en plus en main les attributions d'heures notifiées à la place des MDPH, au détriment des réels besoins des élèves et du rôle de notification des MDPH.
 
Comment résister ?
 
Nous conseillons aux équipes pédagogiques (enseignant·es, AESH, AED, infirmières scolaires) de compléter les Registres de Santé et de Sécurité au Travail (RSST) pour signaler toutes les situations dégradées observées sur le terrain. Cet outil n'est pas un remède miracle, mais il permet d'informer et d'alerter par écrit l'administration. Il alerte aussi les représentant·es syndicales élu·es à la Formation Spécialisée en matière de Santé, de Sécurité et de Conditions de Travail (F3SCT)qui peuvent s'en saisir.
 
Si la situation s'y prête, il est possible d'organiser des heures d'informations syndicales pour discuter ensemble de ces dépôts, ou d'engager une démarche encore plus collective en mettant cette question à l'ordre du jour des Conseils d'Administration ou des Conseils d'Ecole.
Pour obtenir les moyens d'une école vraiment inclusive, le rapport de force se construit au quotidien dans nos établissements. Vous pourrez retrouver un exemple de dépôt RSST sur ce sujet ci-dessous.
 
SUD éducation Lorraine participera à la construction d'un rapport de force et à la mobilisation qui se profile en février à l'occasion des 20 ans de la loi de 2005.
SUD éducation Lorraine revendique/revendiquent de véritables moyens pour l’école inclusive : 
  • le respect du droit à la scolarisation pour tou·tes les élèves ;
  • un vrai statut pour les AESH ;
  • la baisse du nombre d’élèves par classe et d’autant plus dans les classes où sont scolarisé·es des élèves en situation de handicap ;
  • le recrutement de personnels AESH ainsi que médico-sociaux dans les écoles et les établissements scolaires ;
  • la formation de tous les personnels sur le temps de service;
  • un recrutement immédiat garantissant le respect des notifications d'accompagnement individualisé et des orientations en ULIS.
 
Sud éducation Lorraine est un syndicat intercatégoriel qui s’efforce d’unir les revendications des personnels de la maternelle à l’université, dans les écoles, les collèges, les lycées, les universités et tous les services. Nous portons un syndicalisme de lutte qui défend les droits des personnels sans compromission avec la hiérarchie. 
 
Membres de l’Union syndicale Solidaires, nous défendons une autre vision du syndicalisme, fondée sur la démocratie à la base et l’autogestion dans la vie du syndicat. SUD éducation se bat au quotidien pour une école publique, gratuite, laïque, égalitaire et émancipatrice. Pour nous rejoindre vous pouvez adhérer.
 
Exemple de RSST rédigé par un·enseignant·e :
J’enseigne [matière] en classe de XX, qui compte YY élèves. Sur ces XX élèves, WW ont un PPS avec notification d’aide humaine, mutualisée pour NN d’entre eux et collective pour MM autres ; KK élèves ont un PAP et LL sont en cours de diagnostic de troubles neuro-développementaux.
Ce DATE/HORAIRE, aucun élève n’a bénéficié d’un accompagnement humain par une AESH.
En raison de l’effectif élevé et du nombre d’élèves à besoins particuliers, je n’ai pas pu accompagner chacun des X élèves qui en ont besoin dans la réalisation de l’activité proposée ; je n’ai pas davantage pu vérifier que les mots importants de la leçon étaient bien transcrits sur la fiche d’activité par tous les élèves dyslexiques. Les conditions ne sont pas réunies pour assurer l’accompagnement dû à chaque élève.
Je ressens une dégradation des conditions de travail, une grande insatisfaction et un grand mal-être en raison de l’impossibilité de mener à bien correctement mes missions d’enseignante/d'enseignant.
 
Autre exemple rédigé par un·enseignant·e :
Tel jour à telle heure, X élèves de XeX sont normalement accompagné·es par une AESH. Actuellement absente, elle n’est pas remplacée. Ces élèves ne bénéficient pas de l’accompagnement qui leur est dû.
Je m'interroge sur les moyens mis en œuvre par l'Etat pour assurer la mise en oeuvre effective de ses obligations concernant la scolarisation des enfants en situation de handicap.
 
Exemple de RSST rédigé par une AESH :
X postes d'AESH n'ont pas été remplacés cette année sur l'établissement. Nous ne sommes donc que N (HH heures) pour couvrir KK heures d'accompagnement individualisé, 12 élèves du dispositif ULIS et de nombreuses heures d'accompagnement mutualisé. Cette situation entraine une perte de sens du métier d'AESH, une surcharge de travail pour les équipes éducatives et pédagogiques et de mauvaises conditions de scolarisation et d'apprentissage pour les élèves à besoins éducatifs particuliers.