Communiqué issu du congrès local de SUD éducation Lorraine 2023
L’école et la société font face depuis plusieurs années à une progression des attaques réactionnaires et à une banalisation des idées de l’extrême-droite, avec des gouvernements qui renvoient dos à dos « l’ultra droite » et « l’ultra gauche » afin de mieux se réapproprier les thèmes favoris du RN : chasse aux migrant·es (loi immigration), islamophobie (plan laïcité, enquête Vidal sur l’« islamo-gauchisme » dans les universités), lutte contre un prétendu « wokisme », souveraineté militaire (SNU), patriotisme (« loi séparatisme »), flicage (projet d’activation à distance des objets connectés à l’insu ou sans le consentement de leur propriétaire), confusion orchestrée entre écologisme et terrorisme.
Cette stratégie, à la fois électoraliste et idéologique, favorise le développement de tout un éventail de groupuscules néofascistes qui défilent dans l’indifférence, comme à Paris ou Besançon, et s’en prennent à des CADA (centres d’accueil de demandeurs d’asiles) et des centres LGBTQIA+. Elle permet aussi aux partis politiques qui portent leurs idées d’entrer en masse à l’assemblée nationale, d’occuper le champ médiatique, et de se présenter comme des alternatives crédibles au pouvoir actuel ainsi que le laissent entrevoir les résultats croissants du RN aux élections, ou les sondages favorables à Marine Le Pen en plein mouvement social sur les retraites.
SUD éducation Lorraine et ses unions syndicale Solidaires sont moteurs dans la lutte contre ces idées fascistes et/ou réactionnaires et les mouvements qui les promeuvent, ce d’autant plus que le grand Est n’est pas épargné par leurs attaques. Sans entrer dans une énumération exhaustive des faits d’armes de l’extrême droite en Lorraine ces dernières années, on retiendra l’augmentation significative du nombre d’élu·es RN, les attaques de groupes fascistes à Metz et Nancy contre les cortèges mobilisés pour les retraites, les séances de dédicaces de Collard et Zemmour dans une librairie identitaire nancéenne (Les 2 Cités), le projet d’organisation d’un concert international de black métal néo-nazi dans les Vosges, ou encore la présence d’une banderole « LGBTQI Hors de nos Ecoles » au sommet d’un immeuble de Nancy lors de la marche des fiertés du 3 juin 2023.
Cette extrême droitisation de la société s’exprime en particulier à l’encontre des personnes LGBTQIA+ qui subissent depuis quelques années un violent retour de bâton réactionnaire à chaque avancée de leurs droits. Leurs combats pour ces droits pourtant jugés basiques au regard de la norme cis-hétéro ont été menés au prix d’une visibilisation qui les met en danger. Ainsi, l’interdiction des thérapies de conversion en janvier 2022, véritable avancée pour la lutte contre l’homophobie et la transphobie, et pour la santé physique et mentale des personnes LGBTQIA+, en particulier des mineur·es, a connu des oppositions farouches. À cela s’ajoutent une campagne de dénigrement du Planning Familial en 2022, des « débats » TV sur le droit des personnes trans à exister et à revendiquer leur transidentité...
En Lorraine également, le rejet haineux des personnes LGBTQIA+ se répand sans entraves : stickers transphobes « Kill your local pedophile » à Nancy, Bilal Hassani contraint de renoncer à son concert à Metz, suite aux menaces proférées par des groupes d’extrême-droite. Dans les établissements scolaires et d’enseignement supérieur, les LGBTQIA+phobies se libèrent aussi. L’enquête vie étudiante 2023 menée à l’Université de Lorraine montre que les étudiantes déclarent 7 fois plus d’agressions sexuelles que les étudiants depuis le début de leurs études, quand les étudiant.es s’identifiant comme minorités de genre déclarent 13 fois plus d’agressions sexuelles que les étudiants.
Le suicide d’un jeune collégien dans les Vosges en est l’expression la plus poignante, et n’occulte pas ce que subissent quotidiennement toustes celles et ceux de nos élèves qui ne se fondent pas suffisamment dans le moule cis-hétéronormé qu’on leur propose, voire qu’on leur impose. La réponse de l’institution est à la fois maltraitante (pour les personnels comme pour les élèves) et honteuse. Elle dit beaucoup de la légèreté avec laquelle le ministère prend ce problème puisqu’elle consiste en une campagne d’une semaine contre le harcèlement dans les établissements scolaires, décrétée le dimanche par voie de presse pour être mise en place par les personnels elleux mêmes dès le lundi dans leur classe, sans aucun cadre ni aucun accompagnement.
Ce contexte réactionnaire et de droitisation extrême est particulièrement favorable aux tentations militaristes de Macron. Le Service National Universel était dans son programme pour son premier quinquennat. Le projet de SNU porte en lui des éléments qui doivent ravir l’extrême-droite française : 12 jours de stage, sur le temps scolaire, dans des classes dites « engagement » sous les ordres de militaires à la retraite pour des jeunes mineur·es de 15 à 17 ans.
En cette époque de militarisation forcée voire forcenée, en particulier en France, avec ici une augmentation du budget de l’armée de plus de 1 20 milliards sur 7 ans au détriment des besoins essentiels de la population (santé, éducation, retraite...), nous ne pouvons que faire le lien entre la volonté de mise au pas de la jeunesse par le SNU et cet accroissement de la militarisation.
L’école est tout à la fois un miroir et un entonnoir des idées véhiculées dans la société. A ce titre il n’est pas surprenant qu’elle fasse actuellement l’objet de pressions et de menaces croissantes de la part de groupes d’extrême-droite. Les auteurs de ces pressions vont de l’extrême-droite parlementaire à divers groupuscules d’ultra-droite, avec une activité particulière de l’association « Parents vigilants », proche du parti Reconquête d’Eric Zemmour. Ce sont surtout les cours ou activités prévues par des enseignant·es qui sont visées : sorties scolaires et tenues des accompagnant·es, contenus des cours, ateliers et conférences organisées dans les établissements. Les thématiques visées sont toujours les mêmes : la lutte contre les LGBTQIA+phobies et pour les droits des personnes migrantes. L’extrême-droite recourt aux réseaux sociaux pour mener des campagnes de harcèlement en ligne à l’encontre d’enseignant·es, sans que soit mise en place par l’Etat une protection fonctionnelle pour protéger la personne menacée. Tout cela s’inscrit dans la continuité logique de 5 années de Blanquerisme et de Vidalisme qui ont consisté en une véritable chasse aux sorcières « wokistes » et « islamo-gauchistes » au sein de l’éducation nationale et des universités. Dès lors, il n’est pas surprenant que l’islamophobie soit toujours de mise avec le successeur de Blanquer, Pap N’Diaye, qui a notamment lancé une enquête sur l’absentéisme scolaire lors des fêtes religieuses musulmanes. La volonté de redressement de la jeunesse sous-tendue par la campagne de publicité engagée en faveur du SNU s’inscrit elle aussi dans une vision patriotique militariste qui veut remettre l’ordre, la discipline et l’obéissance au cœur système éducatif.
L’avenir, inquiétant à plus d’un titre, que nous laissent entrevoir tous ces faits ne doit pas être une fatalité. D’autres séquences fascistes ont été fermées par le passé et nous pouvons y arriver au prix de la formation et de l’engagement antifasciste, décolonial, antisexiste et antimilitariste. Et SUD éducation Lorraine continuera d’en prendre sa part.